Source: Bulletin SHAP, tome XV (1888) pp. 394-402
RESIGNATION DE
FRANÇOIS DE BOURDEILLE-MONTANCEY,
(1599.)
Nous avons eu
l'occasion d'expliquer dans le Bulletin (tome XV, page 164) comment, par un
privilège exorbitant, la famille de Bourdeille avait obtenu du roi la faveur de
disposer à sa guise du siège épiscopal de Périgueux.
Par brevet daté du 18 juillet 1575,
en considération des services rendus par elle à la royauté, le roi Henri III
donna aux deux frères, André de Bourdeille, qui fut son principal lieutenant
contre les protestants et auquel il avait déjà conféré le titre de sénéchal du
Périgord, et à Jean de Bourdeille, qui devait être tué au siège de Chartres, la
nomination de l'évêché de Périgueux, pour en pourvoir telles personnes capables
qu'ils choisiraient ; à la charge néanmoins de deux pensions sur le revenu de
cet évêché ; savoir, mille livres pour Mlle de Bourdeille, leur
sœur, l'une des demoiselles de la reine-mère ; et huit cents livres pour
Antoine de La Serre, chantre de la cathédrale de Périgueux, qui avait eu aussi
sa part à cette négociation.
L'histoire a
jugé très sévèrement cet abandon par la couronne de l’une de ses plus graves
prérogatives. Un pareil abus ne peut avoir une excuse dans les services rendus
à l'Etat par les familles qui en ont profité. Il se produisit par ce moyen des
nominations d'évêques déplorables à tous les points de vue.
En Périgord, les
choix faits par la maison de Bourdeille paraissent échapper à la critique. Le
maréchal de St-André, moins bien inspiré, après la mort de son oncle Bouchard
d'Aubeterre, de triste mémoire, avait fait nommer l'Auvergnat Pierre Fournier,
qui fut assassiné à Château-l'Evêque.
En conséquence
du brevet qui leur avait été accordé, MM. de Bourdeille appelèrent un de leurs
parents pour succéder à ce prélat faible et sans autorité. Ils nommèrent leur
cousin Jean de Bourdeille, protonotaire apostolique, un des fils du baron de
Montancey : mais la mort ne lui donna pas le temps de recevoir ses bulles. Ils
désignèrent alors pour occuper sa place le frère de ce dernier, âgé de 58 ans,
moine de l'abbaye de St-Denis, qui consentit à leur relâcher la majeure partie
des revenus de l'évêché. Ce fut sous ces dures conditions que François de
Bourdeille accepta de devenir évêque de Périgueux.
La maison de
Bourdeille jouit ainsi, pendant bien des années et sous plus de quatre évêques,
de ce privilège de présentation et de presque tout le revenu de l'évêché. Le
sénéchal André ne devait pas user longtemps d'une faveur si légèrement accordée.
Car il mourut, en janvier 1582, des suites d'une blessure ancienne qu'il
s'était faite quand son cheval s'abattit sous lui. Il désigna par son testament
Pierre de Bourdeille, le fameux abbé de Brantôme, son frère, et l'évêque
François, pour ses exécuteurs testamentaires, et se fit enterrer dans l'église
St-Pierre de Bourdeille aux tombeaux de ses pères : l'évêque de Périgueux fit
lui-même l'enterrement auquel assistèrent le chapitre et tous les corps de la
ville, qui s'y étaient rendus avec l'élite de la noblesse.
De son mariage
avec Jacquette de Montbron, André de Bourdeille laissait un fils qui, né à Paris le 21 décembre
1570, avait été tenu sur les fonts du baptême par le duc d'Anjou,
plus tard Henri III. Cet enfant fut Henri de Bourdeille qui devait signaler son
zèle dans les expéditions contre les Croquans. Il tint à faire confirmer sur sa
tète le privilège concédé à son père par son royal parrain au sujet de l'évêché
de Périgueux. Dès 1594, il se fit assurer par Henri IV le droit de pourvoir, le
cas échéant, au remplacement de François de Bourdeille. Ce nouveau brevet est
ainsi conçu :
« Aujourd'huy 25 octobre quinze cent
quatre-vingt-quatorze, le Roi de france à Paris
voulant reconnaître les grands et signalés services que ceux de la maison de
Bourdeille ont fait aux Rois ses prédécesseurs et ceux que le vicomte de
Bourdeille, à leur imitation, a ci-devant faits à Sa Majesté en toutes les
occasions qui se sont présentées et qu'il continue chaque jour, a, en faveur et
recommandation dudit sieur vicomte de Bourdeille, eu pour agréable la
résignation que le sieur évesque de Périgueux a ci-devant faite ou qu'il pourra
faire ci-après dudit évesché de Périgueux en faveur de personne suffisante et
capable, pourvu les vingt jours portés par l'ordonnance ;
M'ayant commandé à cette tin
d'en expédier toutes... nécessaires, et cependant... le présent brevet qu'elle
a voulu signer de sa main.
Henry. »
François de Bourdeille avait alors
77 ans. Le vicomte désirait voir le vieil évêque résigner son titre avant qu'il
ne fût surpris par la mort. Il fallut négocier quelque temps, et ce fut Antoine
de Montagrier, seigneur de Maroite, son ami, qui parvint à le faire céder. Afin
d’assurer sa succession au titulaire imposé par sa famille, il dut signer le
traité suivant, qui a jeté sur la fin de son épiscopat une ombre que le
glorieux événement de l'ordination de St-Vincent-de-Paul n'a pas encore
entièrement dissipée.
Cette
transaction confirmait les droits de la maison de Bourdeille sur les revenus de
l'évêché de St-Front. « Ce fait, écrivait le regretté chanoine Bernaret (1),
prouve la situation lamentable de l'église, à moins d'excuser quelque peu cette
« singulière » transaction par les grandes dépenses qui suivirent l'invasion
protestante. Il fallut, en effet, réparer les églises, bâtir un palais
épiscopal et remédier à beaucoup de maux, probablement au moyen d'emprunts.
Jean Martin n'avait qu'une pension de 400 écus, la jouissance de la métairie
dite de Charnier, et celle du pré épiscopal situé au Pont-Neuf. »
Notre
collègue M. l'abbé Granger, dans une brochure où il a fait l'historique de l'Ordination de Saint Vincent de Paul dans l’église de Château-l’Evêque (2), a plus vivement encore
désapprouvé cet acte, sans vouloir cependant en attribuer toute la
responsabilité à François de Bourdeille.
« Ce n'est pas lui, observe-t-il, qui avait fait
la situation de son évêché contraire aux lois de l'Eglise sur la simonie, comme
on l'en a injustement accusé ; mais elle avait été créée par le roi Henri III
en faveur de son cousin le vicomte André de Bourdeille... Nous connaissons trop
le zèle et la piété de François de Bourdeille pour supposer qu'il n'ait pas
tenté de secouer ce joug et faire cesser une situation si odieuse et simoniaque
; il dut la subir et non la vouloir. Laissé à lui-même, il n'eût jamais songé à
priver son évêché et ses successeurs des revenus de la mense épiscopale. Nous
avons, en effet, en notre possession la copie d'un échange de rentes fait par
cet évêque avec le sieur Antoine de Montardit, seigneur du repaire de La
Beylie, près de Preyssac-d'Agonac, dans lequel ce bon prélat témoigne de ses
sentiments de justice et de générosité pour ses successeurs, dont il voudrait
rendre la condition meilleure. »
Le
document historique dont nous offrons le texte d'après l'abbé Lespine (3)
viendra compléter la notice que notre collègue et ami M. Elie G. de Biran a publiée sur l'évêque Jean Martin (Bulletin, tome XI,
page 157). Il est écrit sur papier non timbré et porte ce titre :
Confidence de l'évêché de Périgueux passée devant notaire le 15 novembre
1599.
Aujourd'hui, 15 du mois de novembre 1599, avant midi,
au Château-l'Evêque, paroisse de Preyssac, en Périgord, a été convenu et arresté
entre révérend Père en Dieu, messire François de Bourdeille, par permission divine,
évêque de Périgueux ; messire Henri de Bourdeille, seigneur vicomte baron dudit
lieu, Latour-Blanche, Archiat, capitaine de cinquante hommes d'armes des
ordonnances du Roi, sénéchal et gouverneur en Périgord, et maitre Jean Martin,
official, chantre et chanoine des deux églises de St-Front et St-Etienne de
Périgueux, habitants, savoir : ledit sieur évêque au présent château, el ledit
Martin en la ville de Périgueux: Sçavoir que ledit sieur évêque passera
procuration pour avoir coadjuteur en son évêché et résignation pour valoir
après son décès, en faveur dudit sieur Martin, en condition, promis et juré par
ledit sieur Martin qui l'a juré et promis entretenir sur le reproche d'honneur,
et autrement sur les Evangiles, que pendant la vie dudit sieur évêque quelle qu'elle
puisse être portée par ladite résignation, que ledit sieur évêque fera aud.
Martin ne pourra avoir, ni prétendre aucune chose, part ni cotité aux fruits,
profits, revenus et émoluments et autres droits et privilèges eu dépendant de
ladite évêché, au préjudice dudit sieur évêque, que ce ne soit de son
consentement et volonté, et, qu'après la mort dudit sieur évêque ; en survivant
audit sieur évêque, ledit sieur Marlin déclarera, comme il déclare dès à
présent, comme dès lors el de lors que dès à présent, tenir la dite évêché pour et au profit dudit sieur vicomte de Bourdeille, sans qu'il
puisse prétendre, ni demander aucune chose en tous les fruits, profits et
émolumens dépendant de la dite évêché, ains demeureront entièrement à la
disposition dud. sieur vicomte de Bourdeille ; et à cet effet,
promet led. sieur Martin en passer toutes fois et quand que besoin sera,
afferme et cession, tout ainsi que le sr de Bourdeille voudra, comme
aussi aux collations et visa, ledit sieur Martin ne y pourvoira que sous le
plaisir et volonté dud. sr de Bourdeille; promet aussi led. sr
Martin de remettre et résigner toutes fois
et quand ladite évêché non seulement à un des enfants dudit sr s'il
en advient, mais aussi à un des enfants de Claude de Bourdeille, sieur et baron
de Matha, son frère, et à quiconque sera leur héritier, el à tel autre qu'il
leur plaira en leur faveur; et ne pourra led. sr Martin frustrer
ledit sieur des fruits et revenus dudit évêché pour quelque manière que puisse
être, soit des dettes qu'il n'a pas faites, ou qu'il puisse faire à l'avenir ;
en ce que ledit sr Martin prendra de pension
annuelle la somme de 400 écus
revenant à 1,200 livres, en la jouissance de la métérie dite de Charniers,
dépendant dud. évêché, ensemble de la jouissance d'un pred, appelé le Pré de l’Evêque,
près de la ville de Périgueux.
Sur ce, sont intervenus, Louis de Lagut, écuyer, Sr
de Montardit, habitant en son château d'Agonac ; Jean de Fayolle, écuyer, sieur
de La Jarte, habitant en son château de La Jarte, paroisse de Coursac ; Jean
Foucaud, écuyer, Sr de
Cubjac, habitant en son
château de Cubjac ; Pierre de Fayard,
sieur des Combes, habilant en son château des Combes, et Bertrand de Macanan,
écuyer, sieur de Sallegourde, habitant en son château de Sallegourde, et Jean
de Chillaud, écuyer, sieur des Fieux, habitant en lad. ville de Périgueux...
Lesquels tous unanimement répondans et plaiges dud. Sr
Martin, ont aussi promis et juré, sur leur foi et honneur, bien entretenir et
faire entretenir ce que dessus solidairement avec renonciation au bénéfice
d'ordre, division et discussion, de façon que sera loisible et permis audit
seigneur évêque et vte de Bourdeille et successeurs, s'il en
advient, de se pourvoir contre celui ou ceux qu'il verra être à faire, et
contre tous, sans que pour élections d'aucuns, les autres puissent être exempts
et déchargés. — Et pour plus grande assurance, ont requis en être fait
instrument par le notaire royal, soussigné, qu'il leur a octroyé et condamné,
par tant que besoin serait, les susdits à l'eutretenement
des présentes, — en présence de Mtre Raymond Girard de Langlade,
avocat en la cour de Parlement de Bordeaux, habitant eu la présente ville, et
Jean de Beauvais, licentié, habitant au Château-l'Evêque.
Ainsi signé : Bourdeille, B. de Macanan, Chillaud, de Langlade, Pnt,
de Beauvais, Pnt, Martin, de Fayolle, Cujac, Lescombes et Barizet, notaire royal.
Vu bas de cet acte, il y a ces mots :
Sait une lettre écrite par ledit sieur Martin du 5 avril 1600, à M. de Montardit, gentilhomme ordinaire de la
chambre du Roi :
« Monsieur, j'ai eu commandement de Mgr le Vte
de vous suplier de mettre entre ses mains la convention qui a été faite entre
nous, dont vous êtes demeuré dépositaire. Je vous suplie le faire pour le
contenter, m'assurant qu'il le tiendra en secret pour ne préjudiciel- à
personne. Je n'en fais aucun doute, même du tout résigne à lui, et je
continuerai de m'avouer, Mr., votre humble et obéissant serviteur.
Signé : Martin ».
La nouvelle de
l'accord conclu entre le vicomte Henri de Bourdeille et l'évêque, et surtout
celle de l'intervention du seigneur de Maroite eurent le don de mettre en
grande colère Pierre de Bourdeille. Il n'a pu s'empêcher d'en laisser percer
dans ses écrits le profond ressentiment qu'il avait gardé contre les auteurs
d'une transaction à laquelle il n'avait pas été appelé. Il sera intéressant de
rapporter ici le passage du codicille de son testament, rédigé le 30 décembre
1609, où il parle de cette affaire. Il se vante qu'il a eu la moitié des
revenus de l'évêché et que François de Bourdeille lui doit sa haute situation.
Voici en quels termes légers et méprisants il s'est exprimé :
«... Etant un jour à La Tourblanche, dans la salle, il (4)
dit tout haut, devant force gentilshommes et autres, sur le sujet qu'il n'avait
obligation à homme du monde, qu'au sieur de Marouate, qui lui avait fait avoir
la résignation de Monsieur de Périgueux de l'évêché, pour l'y avoir poussé el
persuadé, dont je pensai partir de colère contre lui. Mais je me commandai et
m'arrêtai de peur de scandale ; lequel mon dit évêque j'avais fait et créé tel
par la nomination et brevet du Roi. Car ce fut moy qui le lui demandai pour mon
frère et pour moy, ayant vu ledit évêque un chétif petit moyne de Saint-Denis,
et l'avais ainsi créé contre l'opinion de Madame de Dampierre, ma tante, qui ne
le voulait, en me disant plusieurs fois, que je maudirais l'heure de le
colloquer en si haut lieu ce vilain moyne, usant de ces propres mots, et que
son père avait fait souvent pleurer ma mère. Croyez que cette honnête dame
prophétisa bien ce coup. Car il fut aussi ingrat en mon endroit, que son cousin
ledit monsieur le vicomte qui celte fois m'alla payer de cette sorte, pour
n'avoir d'obligation qu'au dit sieur de Marouate, certes nullement comparable à
moi, ni en obligation, ni en valeur et mérite, pour n'avoir jamais été autre,
qu'un amasseur de deniers et que j'ai vu parmi les bonnes compagnies qu'on ne
nommait que petit brodequin, nom à lui donné par Messieurs de Coutures et
Laborie Saulnier, sobriquet bien contraire à mon nom, tant bien connu et estimé
parmi la France, et ses grands, et autres pays étrangers pour avoir tant battu
de terres et de mers, si que l'on faisait beaucoup de cas de moi.
Et pour parler de celle grande obligation susdite de Marouate,
ne faut douter que si j'eusse voulu m'opposer à ladite résignation, pour emprès
être faite, en demander la moitié de ladite évêché, je l'eusse pu faire
aisément et en étais sur mes pieds pour en avoir la jouissance, suivant
l'ordonnance de notre Roi grand et bon d'aujourd'hui, et de son conseil, par la
mort du titulaire qui ne déroge en rien au droit du gentilhomme qui a sa part
comme parait par bon brevet du roi Henri III (5), et comme ladite majesté me
donne la moitié de ladite évêché et à mon frère l'autre. Et si l'on voulait
alléguer la transaction faite entre moi et l'évêque, c'est une chanson ; car
qu'on la lise bien, elle ne fait rien contre mon droit, ni que je quitte ma
moitié. Bien est vrai que par parole je promis que tant qu'il vivrait, je lui
quittais ma part et ma dite moitié, et ne lui en demanderais jamais rien en son
vivant, n'étais-je donc pas, lui mort, toujours sur mes pieds d'en répéter ma
dite moitié, et de m'opposer à la susdite résignation, et la demander par le
secrétaire du Conseil privé, et selon l'édit et l'ordonnance du Roi pour
pareille chose, d'autant que le titulaire mort, le gentilhomme qui a sur sa
pièce la moitié ou sa part et pension ne la perd nullement. Cela est trop
assuré. Voilà pourquoi on peut bien considérer la gratification que j'ai faite
en cela à mon dit sieur de Bourdeille, sans l'avoir nullement inquiété sur
cette dite moitié, comme j'ai trouvé fort bien par le conseil même du conseil
privé. Laquelle dite évêché bien assemblée vaut fort bien quinze mille francs
de revenu, comme je l'ai faite valoir cela, quand je la faisais ménager par mes
mains par lesquelles tout se passait, comme l'ayant demandée et obtenue du roi
et de la reine sa mère, et en fis l'aire toutes les dépêches tant de leur
Majesté que de Rome, à mes dépens. Voilà donc si ledit seigneur de Bourdeille
devait avoir si grande obligation au sieur de Marouate plus qu'à moi. Et quand
ledit évêque eût fait de l'âne comme il était, je l'eusse bien fait tourner au
bâton et jouir de son évêché, en lui donnant quelque part, comme j'avais
d'autres fois fait selon le brevet du roi, que j'ai vers moi, et monsieur de
Bourdeille mon frère ne l'eût jamais. Et si monsieur de Bourdeille se fut fié à
moi et m'eût conféré de toute cette affaire, nous en eussions bien eu la raison
et de l'évêque et de l'évêché. Car il me craignait comme la créature fait son
créateur, que lui étais tel, dont il me fut fort ingrat, ingratissime. N'en
parlons plus. »
Il devait
en parler encore dans son histoire des grands capitaines étrangers, à l'occasion
de l'évéque espagnol Zamorra, qui avait soulevé plusieurs provinces pour les
soustraire à l'obéissance du jeune roi Charles-Quint et les ériger en
république à l'instar de l'Italie. Il se laisse aveugler par sa passion, au
point de tracer de son cousin l'évêque de Périgueux le portrait suivant, dont
les lignes n'ont pas été suffisamment raturées dans le manuscrit pour pouvoir
échapper à la publicité :
« Cet évesque Samorro, écrit-il, fut très dangereux pour la
sédition, et telles gens ont grand'authorité parmy ce peuple là et ailleurs,
ainsi que nous avons vu force pareilz en nos guerres civiles et mesmes en ces
dernières de la Ligue que je ne nommeroy point, (sinon un, qui estoit l'evesque
de Périgueux, mon parent, de mesmes nom et armes que moy, qui estoit un vray
asne mytré et caparaçonné quand il avoit sa chape, qui eust plustôt enduré la
gesne que dire un seul mot de latin, osté celuy de sou bréviaire, mais
séditieux, mallicieux, sanguinaire à toute outrance ».
Il ne faut point s'en rapporter aux
appréciations si peu bienveillantes de Brantôme; car François de Bourdeille fut
loin de ressembler au double portrait que nous en a laissé le pseudo-abbé. Les
huguenots qui occupaient Périgueux à son arrivée rendirent son épiscopat bien
difficile ; mais il sut se faire admirer par sa sagesse, sa piété et ses
grandes vertus, marchant toujours sur les traces de son grand oncle, le saint
cardinal Hélie de Bourdeille, auquel Brantôme, qui faisait peu de cas des
autres branches de sa famille, reprochait aussi amèrement de n'avoir laissé aux
siens que son chapeau. On peut dire des deux prélats qu'ils furent l'un et
l'autre, à un siècle d'intervalle, les restaurateurs de la foi et du culte
catholique en Périgord, le premier après les guerres contre les Anglais, le
second après les guerres contre les protestants. Les diatribes de l'auteur des Dames galantes ne feront point tort à leur mémoire.
Ceux qui
étudient l'histoire ont pu remarquer l'abus que les bienfaiteurs ont souvent
fait des services qu'ils avaient rendus pour soumettre leurs obligés à des
exigences oppressives. La cession de l'évêché de Périgueux par le pape et le
roi aux Bourdeille, en récompense des services importants qu'ils avaient de
tout temps rendus à la religion et aux rois, en est un exemple. Il était
réservé à l'illustre François de la Béraudière, successeur immédiat de Jean
Martin, de faire cesser la tyrannie qui pesait si lourdement sur le siège de
St-Front. A sa sollicitation, Louis XIII reprit le droit de nomination à
l'évêché de Périgueux. Peut-être Saint Vincent-de-Paul ne fut-il pas étranger à
ce résultat dont la religion n'eut qu'à s'applaudir.
Dujarric-Descombes.
(1)
Souvenirs
historiques de l’église collégiale de St-Front devenue église cathédrale en l’année 1669, page 17.
(2)
Périgueux, Cassard, 1881. page 34.
(3)
Bibliothèque Nationale : Mss. Fonds Périqord, volume XXXII, pages 157-8.
(4)
Le vicomte Henri de Bourdeille, son neveu.